Evergrande : Lehman Brothers chinois ?

Le promoteur immobilier chinois Evergrande, c’est d’abord un acteur de poids avec 250 à 300 milliards de dollars de dettes en cours. Et depuis fin mai dernier, la valeur de ses obligations plonge inexorablement. Et je ne crois pas que ce genre de déconvenue soit isolée et le fruit du hasard. On ne peut pas parler de mauvaise gestion avec un acteur de cette taille. C’est comme pour Lehman Brothers : des facteurs extérieurs conduisent à faire couler le plus fragile. Et si rien n’est fait par les autorités, sa faillite entraîne ses camarades et fait imploser le système financier.

On est d’autant plus en droit de s’inquiéter que derrière cet échec se trame une baisse des prix des logements chinois. Le marché immobilier, c’est les citoyens qui le font. Et avec la faiblesse démographique actuelle, accentuée désormais par la crise sanitaire qui n’en finit plus, les perspectives sont moroses. Et quand la baisse des prix s’engage, c’est difficile de l’arrêter. L’être humain a de surprenante capacité d’adaptation quand il s’agit d’attendre un meilleur logement, contrairement à d’autres besoins essentiels comme se nourrir, se chauffer et même éduquer ses enfants qui eux n’attendent pas pour grandir. Comme aux US, il y a 15 ans, l’immobilier est à nouveau le talon d’Achille de l’économie mondiale.

Maintenant, la comparaison s’arrête peut-être là. Lehman Brothers était une banque internationale dont la dette était détenu par toute la planète financière. Si les autorités américaines l’ont laissé faire faillite, c’est aussi parce que cela impacté autant les autres pays que les USA. Et c’est bien ce qu’il s’est passé. J’oserais même dire que ça a été pire en Europe qui a dû subir la crise monétaire de 2012 dont les racines prenaient naissance dans l’effondrement de 2008.

Du coté de Evergrande, les emprunts sont détenus par des créanciers de la Chine continentale. À l’occurrence, des créanciers privés, tant qu’on considère que des banques d’état qui prêtent à des entreprises d’état, c’est dans la sphère privée. Parce qu’à mon avis, la grande question est là. D’un côté, on a une abyssale dette privée chinoise qui atteint 270 % du PIB et accélère sa progression depuis la crise sanitaire. Et de l’autre on a une modeste dette d’état contenue vers les 60 % du PIB. La question sur la table est donc de savoir si les marchés sont prêts à faire la part des choses entre dette publique chinoise et dette privée chinoise. C’est un peu le problème quand l’état est trop présent dans l’économie. Le communisme à la sauce libéral aurait-il atteint ses limites ? Reprendrez-vous des chineses junks bonds ?

Honnêtement, au stade actuel, même si tout cela est peu sembler effrayant, je vois mal comment les autorités chinoises laisseraient la situation pourrir. Ils ont tout intérêt à réaliser ce sauvetage et ils en ont les moyens (financiers et politiques). Par ailleurs, je pense que les choses ont été prises en main, il y a un an déjà par Xi Jinping quand il a déclaré son intention de refroidir le marché. En résumé, Evergrande n’est que la partie émergée de l’iceberg et ça fait peur au marché. En même temps, les autorités sont forcément déjà aux commandes pour obtenir un atterrissage en douceur. D’ailleurs, les récents articles dans la presse US ne sont certainement pas innocents et font parti du processus.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *